Photo JC Valtin
Isolée au milieu du village entre le Muchiu et le Paesolu, si ce ne sont quelques habitations de construction relativement récente, la maison dénommée U Chernaghiu, que l’on trouve au détour d’un virage de la route étroite qui conduit vers le haut du village, date du 17e siècle.
Située sur un éperon rocheux, qui domine toute la vallée jusqu’à la mer, elle porte un nom pour le moins énigmatique, en français « Le carnage ».
Photo JC Valtin
Une grande croix de bois fixée à gauche de l’entrée, vient étayer les dires qui se transmettent depuis la nuit des temps, qu’un drame a bien eu lieu à cet endroit, à une époque que personne n’est en mesure de préciser.
Que s’est-il passé dans cette maison, ou peut-être au lieudit où elle est située, pour qu’on lui attribue un pareil nom ? Des hommes se sont-ils entretués comme il arrivait que cela se produise dans la Corse de Colomba, selon les descriptions qu’a pu nous en faire Prosper Mérimée ? A moins que cela ne remonte en des temps encore bien antérieurs, nul ne le sait.
Oui c’est la question que tout piétrolais a pu se poser. Que s’est-il passé à cet endroit du village devenu mythique, à la croisée de deux chemins encaissés, qui sont aujourd’hui deux voies étroites, l’une dominée en partie par une falaise rocheuse qui surplombe une ravine dans laquelle un petit cours d’eau, la plupart du temps à sec, serpente autour de hauts rochers, l’autre qui conduit au haut du village avant de se perdre dans la montagne.
Ce qui est sûr, c’est que nous avons là une configuration idéale pour des malfaiteurs qui souhaiteraient piller une maison ou tendre une embuscade, sans être dérangés et pouvoir ensuite s’évaporer dans le maquis, présent de tous côtés.
Des légendes ont circulé. La plus couramment admise serait celle selon laquelle deux femmes vivaient seules dans cette maison dans laquelle de la farine en quantité assez importante, avait été remisée dans de grands coffres, comme on peut d’ailleurs en trouver, dans les caves de la maison du Chernaghiu à l’heure actuelle.
Une des sœurs, contre l’avis de l’autre, aurait répondu favorablement aux appels d’hommes qui lui demandaient d’ouvrir la porte. Les pillards se seraient alors rués à l’intérieur de la maison, tuant l’une des deux sœurs, l’autre ayant réussi à s’enfuir…Un scénario « Orange mécanique » avant l’heure.
Il n’est pas impossible, si l’on s’en tient à cette version, que le terme de Chernaghiu ait plus été utilisé pour marquer l’horreur d’une telle agression, que pour signifier qu’un nombre important de personnes avaient été concernées par la tuerie.
Toutes les hypothèses sont permises, aucune n’est déterminante. Le terme de carnage ou de tuerie pouvant même concerner des animaux, on pourrait imaginer à cet endroit une battue de sanglier, pourquoi pas, mais alors pourquoi la croix ?
Va-t-on savoir. Il n’y a pas de mémoire suffisamment sûre dans laquelle l’on puisse puiser, pour répondre à nos interrogations.
Madelena Banghala Nicolaï,
La maison fut habitée au début du siècle dernier, jusque dans les années 80 par trois sœurs, une poétesse, Madalena Banghala Nicolaï, Divita épouse Savignoni et Graciosa Nicolaï.
Madalena Banghala a chanté et sublimé le village de Pietra. Elle a consacré un poème à la maison qu’elle a habitée « A mio Casa » dans lequel elle évoque à peine l’évènement, on relève deux vers : « E sempre e Chernaghiu serai chiamata, di lu passatu avemu lu rispettu ». On ne trouve pas dans son œuvre, d’explication sur la signification du terrible nom qu’elle porte, peut-être l’a-t-elle ignorée, peut-être a-t-elle voulu, comme tous ceux qui ont habité la maison, préserver le mystère, ou les victimes de ce drame…
Simone-Isabelle Savignoni
Aujourd’hui, c’est sa nièce, la fille de Divita, Simone Isabelle Savignoni, que certains proches appellent Monette, qui habite U Chernaghiu, une maison à son image, singulière, mystérieuse et comme elle un peu abstruse, tous qualificatifs qui en font leur charme.
*Publié le 27 janvier 2016 dans actualités