Dans les années 70, on comptait encore trois bars en activité dans le village. Celui des Mariani, créé après la seconde guerre, que l’on appelait le cercle, « Chez Francé », un groupe d’amis qui se réunissaient et qui terminaient leurs soirées après les cartes, avec paghjelle et Chiame e rispondi aux répliques mémorables, un spectacle inoubliable, pour ceux à qui il a été donné d’y assister.

Puis ce fut celui créé par Philippe et Julie Straboni dans les années 60,* plus moderne, avec « machines électroniques », jukebox et baby-foot, qui réunissait tous les âges, surtout des jeunes, et où l’on vit pour la première fois, le sexe féminin faire son entrée dans un bar du village, en tant « qu’ayant droit de plein exercice » pourrait-on dire.

In i tempi, Il y en eut jusqu’à cinq en même temps à Pietra, ce qui  permettait de se retrouver par affinités, ou plus simplement selon la situation géographique, ce  qui avait peut-être l’inconvénient de cristalliser les différences qui pouvaient exister. 

Un bar dans le village est un privilège que l’on trouve de plus en plus rarement dans nos communes de l’intérieur, un avantage dont nous sommes parmi les heureux bénéficiaires et qu’il nous faut préserver.

Outre sa fonction principale qui est la consommation, à Pietra on y fait du pain et on y assure sur commande, ou à l’occasion de certaines soirées, une restauration familiale.

Mais c’est bien plus que cela. Dans un village de montagne, un peu isolé des centres urbains, le bar a une fonction secondaire aux aspects multiples, qui est essentielle.

Il est le centre de la vie communautaire. Dans un village où tout le monde se connaît, on s’y rend un peu comme dans une seconde famille. Il permet d’éviter ainsi le repli sur soi, on s’y retrouve, on parle, on échange, on débat.

C’est aussi un point de ralliement et de rendez-vous, le lieu où se tiennent toutes les réunions, fêtes, animations, où sont organisées des soirées, les concours de boules, on y joue aux cartes, au loto… . Et pour les gens de passage, c’est un peu la vitrine du village.

L’avantage de l’établissement unique, où tout le monde finit par trouver sa place, de tous âges et toutes sensibilités confondues est de permettre à la communauté villageoise de se rassembler en un seul endroit, mais avec une complexité plus grande, pour celui ou celle qui doit assurer la gestion et l’animation des lieux.

 

Rôle essentiel et particulièrement complexe, chacun des titulaires qui s’y sont succédé, ont rempli cette fonction avec leur talent et leur personnalité. Il y a un peu plus d’une douzaine d’années, Sabrina,  une jeune piétrolaise dynamique, qui devait quitter Bastia pour reprendre le bar du village qu’elle baptisera du nom de « A Stalla ». Des idées plein la tête elle poursuivra la route tracée par ses prédécesseurs. Véritable professionnelle, diplômée de l’école hôtelière, elle saura imposer  son rythme, et diversifiera autant qu’il est possible les activités de l’établissement. Puis il y eut un moment d’inquiétude, lorsque le bruit courut que pour des raisons d’ordre familial, elle devait aller exercer  ses activités dans un autre établissement, au moins temporairement. Mais tout rentrera très vite dans l’ordre.   

Ce sera sa maman qui poursuivra la gestion de la Stalla, tant que la nécessité l’imposera. Elle est désormais l’actuelle titulaire de cette charge une gestion certes complexe, à laquelle elle n’était pas prédisposée, mais qu’elle a résolu, en laissant parler son cœur.

Isabelle, notre Isabelle pourrait-on dire, est à la fois, une mère, une sœur, une amie, une copine, et même une confidente en cas de besoin et c’est peut-être son rôle le plus important, qui consiste à savoir écouter celui qui a besoin de parler.

C’est bien tout cela que nous offre aujourd’hui notre Isabelle. Une relation personnelle, simple et directe, pas d’a priori, pas de préjugé et ce, que l’on vienne souvent ou très souvent, peu ou très peu, que l’on consomme ou pas. Tout le monde est accueilli avec la même attention par celle que les circonstances ont conduite à cette place des plus stratégiques de la vie d’un village.

A une place à laquelle on ne l’attendait pas, un peu comme en football, un remplaçant en fin de carrière, jusqu’alors dans l’ombre, qui entre sur le terrain et qui surprend tout le monde par sa jeunesse d’esprit, son savoir-faire et son habileté, y ajoutant une bienveillance toute malicieuse, qui vous met de suite bien à l’aise.

N’oublions pas et c’est ce qui fait son charme, un humour parfois grinçant, qui peut surprendre mais qui va séduire et qui très vite conduit à entrer dans le jeu de la comédie qui se joue au sein du  singulier établissement que l’on nomme « bar du village ».  

*Aujourd’hui du nom de « A Stalla » 

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