« Piezza u Pianu », « Piezza a l’Olmu », « Place de la Fontaine »
Au moment de la réhabilitation de la place du village dénommée aujourd’hui « Place de la Fontaine », rappelons-nous un peu de son histoire.
La place du village aura eu au moins trois noms, qui résument assez bien, même si c’est de façon extrêmement succincte, ce qu’elle fut et ce qu’elle est aujourd’hui.
Peu d’entre nous le savent, mais la place de la Fontaine était autrefois dénommée « Piezza a l’Olmu », du nom du gigantesque orme qui protégeait ses visiteurs du soleil brulant de l’été. Difficile de dire depuis quand il trônait sur cette place, certainement plus d’un siècle, selon les plus anciens du village.
Avant la présence de l’Orme, la place était appelée Piezza di u Pianu, certains continuent de l’appeler ainsi, c’est son nom officiel, les plaques récemment apposées en font foi.
Une place précieuse, située en un point stratégique qui permet la convivialité pour tous, tout au long de l’année, ce qui explique le soin particulier que la municipalité lui apporte.
Une partie de la place appartient à des particuliers, même si on ne distingue pas les parcelles privatives de celle qui fait partie du domaine public.
Il faut à cet égard remercier la famille BIGHELLI-CASTELLI qui a fait don à la commune du terrain dont elle était propriétaire sur cette place.
Dans la « Gazette Pietrolaise » Jean Massoni, qui a consacré nombre de ses écrits à l’histoire de Pietra di Verde, nous expose à travers le récit de Piezza a l’Olmu, une partie de l’histoire de la place de notre village.
Jean Massoni auteur de « Piezza a l’Olmu » tiré de la Gazette Piétrolaise
Piezza à l’Olmu*
Au début du vingtième siècle, l’arrivée de la route carrossable d’Alistru à Arcarotta et la construction de la Traverse reliant ses trois hameaux ont donné à Pietra son nouvel aspect, qui depuis lors n’a guère changé. Le Muntichju, où convergèrent la route et la Traverse, devint en quelque sorte le centre le plus animé du village. C’est là que se sont installés les principaux commerces, épiceries et débits de boisson, ainsi que trois boulangères, attirant la majeure partie des habitants. C’est là que se situait, face à la mer, la principale place du village: “Piezza à l’olmu”. L’ombre généreuse de son orme et la brise marine, “u marinu”, étaient ses principaux atouts. Alors que “Piezza à a ghjesa” ne s’animait vraiment que le dimanche matin, à l’heure de la messe, des fêtes et des enterrements, et que les autres petites places des hameaux n’étaient fréquentées que des gens du voisinage, “Piezza à l’olmu”, au-delà des “habitués”, connaissait, tous les jours, une grande affluence, et pas seulement de Muntichjesi. C’était le forum des Piétrolais.
Autour du tronc de l’orme gigantesque, on avait construit un banc en béton armé, “a panculella”. Chaque matin, autour de l’arbre et de son banc, se formaient et se défaisaient des petits groupes de gens qui passaient des heures à parler; à tenir, parfois, des conversations sérieuses, mais le plus souvent à parler de tout et de rien. Leurs propos portaient rarement à conséquence et l’on disait de “Piezza à l’olmu” et de sa “panculella” qu’elles étaient surtout là pour entendre, à longueur de jours et de mois, leur lot de moqueries, de vantardises, de plaisanteries et de mensonges plus ou moins anodins.
Pendant l’hiver, l’air froid poussé par le vent descendant de Mont’Altu vidait littéralement “Piezza à l’olmu”, mais sa fréquentation et l’animation reprenaient leurs droits dès les premiers rayons du printemps et redoublaient l’été avec l’arrivée des coloniaux.
Toutes les générations se plaisaient sur cette place. Les matinées y étaient plus particulièrement réservées aux gens âgés et aux adultes, les premières heures de l’après-midi, aux jeunes et aux adolescents, lesquels par leurs jeux bruyants indisposaient régulièrement les tenants invétérés de la sieste. Vers la fin de l’après-midi, ceux qui y venaient se regroupaient à trois ou quatre pour “tirassi dui passi” (se promener) sur la Traverse ou vers les “Temponi”.
Plusieurs fois par an, venait s’y installer pour quelques heures un marchand ambulant grec de Cervioni, Zefiru Paraskevopoulos. Il étalait un grand drap sur lequel il disposait du linge, des ustensiles de cuisine et toutes sortes de marchandises de bazar, dont les marchands du village ne faisaient pas commerce. Ces jours-là, les hommes se tenaient à l’écart et “Piezza à l’olmu” était laissée aux femmes et à leurs emplettes.
Ainsi vivait et se perpétua “Piezza à l’olmu” jusque pendant les années quarante du siècle dernier. L’arbre donna alors des signes inquiétants. Un épais liquide marron commença à couler le long de ses branches. Le vieil orme était malade. Ses jours étaient comptés. Beaucoup de villageois étant partis dès la fin de la guerre, de moins en moins nombreux étaient ceux qui venaient rechercher son ombre déclinante, sa “panculella” de béton et les joies simples des conversations d’antan. Il fallut se résoudre à couper l’orme, à détruire “a panculella”, à faire place nette.
Il n’empêche ! Pendant plus d’un demi-siècle “Piezza à l’olmu” a tenu son rang. Quelques vieux Piétrolais s’en souviennent et le manifestent en venant encore passer quelques moments sur ces lieux de notre mémoire commune.