Pietra est une commune de l’intérieur d’une superficie de 900 hectares environ. Au fur et à mesure que les châtaigniers prenaient le chemin de l’usine, d’autres essences poussaient. Il y  plusieurs années, il  m’est arrivé d’écrire à ce propos: « Oghje castagni ci n’é più pochi e nimu ne coglie più. Ci sò l’alzi, e lecce, i carpini, i frassi, e scopi e l’erbitri. E verde é sempre u circulu di A Petra » « De nos jours il reste peu de châtaigniers. Il y a des aulnes des chênes, des charmes, des frênes, des bruyères et des arbousiers Ainsi le territoire de Pietra est encore vert ». Depuis lors, en regardant de chez moi vers la route de Moita, je vois, année après année une nouvelle forêt qui progresse. Si je marche sur la route de l’autre côté des ponts, je vois aussi, Hélas!, des lianes et des ronces sur presque tous les arbres: la forêt progresse au milieu de mille difficultés; sans la main de l’homme elle finirait par s’étouffer. Par la main de l’homme elle pourrait fournir un produit très rémunérateur. Imaginons: un stère de bois est aujourd’hui vendu 80 euros. Combien de stères y a-t-il sur les 900 hectares de Pietra? Ce n’est là qu’un exemple. Une étude sérieuse révèlerait bien d’autres potentialités.

En faisant part ainsi de mes réflexions, je n’oublie pas les difficultés que l’on rencontrerait au cours d’une telle étude. La première tient à la parcellisation de la propriété: combien y a-t-il de propriétaires sur le territoire de la commune? Une deuxième, à la qualité des essences existantes: que peut-on en faire en dehors du bois de chauffage? Etc., etc.

Exploiter la forêt nécessite donc un travail préparatoire très important difficile à mener sans aide. Et les aides existent, auprès de l’Université, par exemple, il suffit de se renseigner. Il faut, simultanément, s’efforcer de recueillir l’accord du plus grand nombre avant d’entreprendre quoi que ce soit. Mais il faut surtout se persuader que rien n’est impossible. Des textes de loi existent qui sont appliqués dans maints endroits, je pense notamment à la constitution d’une Association forestière et pastorale (AFP), comme il y en a ailleurs en Corse ou sur le Continent français. Nombre de communes de l’intérieur, voyant s’amenuiser les derniers publics, s’intéressent vivement aux productions du sol, comme on peut le lire fréquemment dans Corse-Matin.

Ce qu’il faut, c’est se convaincre qu’il y va de l’avenir du village. Le choix est simple: ou un village « de vacances » qui périclite, ou un village qui produit et qui se développe.

Je ne doute pas de certaines réactions à mes propos. Beaucoup riront du vieillard donneur de conseils. D’autres pousseront l’ironie, pensant à La Fontaine et au laboureur… « sentant sa mort prochaine ». Que chacun sache que je n’en ai cure. Car j’ai l’espoir que d’autres encore prendront au sérieux mes réflexions et les feront vivre, persuadés que « c’est le fond qui manque le moins ».

*Jean Massoni est, selon l’expression même qu’il a utilisée pour celui qui fut son professeur au Lycée de Bastia, Simon-Jean Vinciguerra, « un militant de la culture et de la langue Corse ». Il est incontestablement l’une des mémoires du village. Peu de monde, mieux que lui, connait l’histoire de Pietra di Verde. Son  expertise et ses analyses sont toujours appréciées par ceux qui le sollicitent. Dans la Gazette Piétrolaise, il donne un large aperçu de ce que fut autrefois la vie de Pietra. Ses écrits constituent en la matière une référence. Jean Massoni a, chevillé au corps, les valeurs de la Corse. Pour lui, les piétrolais sont une grande famille, sa famille, dont il connait chacun des membres, ainsi que leurs ascendants, avec une précision étonnante. Homme de gauche, il a participé sous la présidence de François Mitterrand, en tant que conseiller, à des cabinets ministériels. Sa demande d’insertion est un « Appel pour l’exploitation de la forêt de Pietra di Verde », solution qu’il propose pour que Pietra retrouve sa prospérité d’antan, en même temps qu’un véritable cri d’amour pour son village. GP. 

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