Quand ils étaient 300 prêtres en 1959, corses pour la quasi- totalité, ils ne sont plus aujourd’hui qu’une soixantaine (64), pour une population qui a presque doublé, avec les deux tiers d’entre eux extérieurs à l’île. Ce chiffre a tendance à diminuer encore, avec un clergé vieillissant et une crise des vocations qui n’augure rien de bon pour l’avenir. Notons que la dernière ordination en Corse a eu lieu l’an dernier, elle a été celle d’Antoine Peretti âgé de 67 ans…

Comme c’est le cas depuis quelques temps pour Pietra di Verde, nombreuses sont les églises dans les petits villages qui n’ont plus d’office régulier, quand elles ne sont pas définitivement fermées et il en est de même pour les couvents, monastères, abbayes et autres lieux de cultes, dont certains ne sont même plus entretenus.

Que se passe-t-il ?

On assiste à une déchristianisation de la Corse, lente mais que d’aucuns disent inéluctable. Les églises sont de moins en moins fréquentées, le catéchisme de moins en moins enseigné. « Les jeunes corses sont plus intéressés par l’aspect matériel que spirituel de notre société » affirmait en 2014 Yann Monti dans un article publié dans Corse Matin, qui faisait une analyse pertinente mais on ne peut plus cruelle de la situation de l’église de Corse https://www.corsematin.com/article/corse/on-ne-compte-que-65-pretres-en-activite-en-corse

Si les corses demeurent toutefois encore attachés à leurs traditions religieuses, dans lesquelles à côté des grandes fêtes on inclut les cérémonies sacramentelles ou de deuil, Yann Monti, reprenant une citation empruntée à un ecclésiastique qui s’exprimait sur la désaffection dont l’église était l’objet écrivait : « l’église n’est pas un self- service où l’on vient lorsque l’on a besoin. »

Il est sûr que si l’église n’était plus que cela, ce que nous refusons de croire, si elle n’était là que pour satisfaire un besoin propre à chacun de faste et de décorum en certaines occasions de leur vie, avec des exigences dans les « prestations » la forme, le rituel, au détriment de la foi, alors elle disparaitra.

Une déchristianisation lente, qui conduit à faire venir des prêtres de l’extérieur, deux tiers des prêtres exerçant sur l’île ne connaissaient pas la Corse, et certains signes évidents montrent qu’ils ont du mal à s’intégrer dans l’église de Corse, ou plus grave encore pour une communauté chrétienne, à y être intégrés. Il est vrai qu’il est beaucoup plus facile de s’adresser à la profondeur des âmes, lorsque l’on a les mêmes valeurs et un curé corse saura mieux ce qu’il faudra dire pour atteindre et convaincre, que ne pourrait le faire un prêtre venu de l’extérieur.

 

Outre son charisme et ses qualités personnelles, c’est cela aussi qui a fait que le père Georges Nicoli, un enfant de Pietra, est rapidement devenu en Corse « une star » incontestée et que sa seule présence dans une église est synonyme de succès d’affluence. C’est son église de St Florent qui a été choisie dimanche 13 mai 2018 pour la prestigieuse retransmission de la messe sur France 2 et ce n’est certainement pas un hasard.

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De même, feu le père Olive Tagliazucchi qui officiait à Pietra di Verde, faisait l’objet d’une véritable vénération de ses paroissiens de Castagniccia : il alternait dans sa messe le Corse et le français. Adoré par ses ouailles, au point que la hiérarchie le « récompensa » par une « promotion sanction » en le nommant à Bastia, loin de la Corse profonde, certains disent pour le rappeler à son devoir d’humilité.

Plus difficile l’exercice par des prêtres venus de l’extérieur de s’adapter à nos mœurs et on sait qu’ils ont eu maille à partir avec certains de leurs paroissiens, parfois en situation de responsabilité, ne possédant pas à l’évidence les mêmes paradigmes.

 

 

Après d’autres, le père Richard nommé en septembre 2016 dans l’ensemble inter-paroissial Alesani-Cervioni-Moriani, dont dépend désormais Pietra di Verde, est aujourd’hui sur la sellette. Il vient de Bonifacio où son successeur originaire d’Auvergne, à peine nommé, vient de démissionner à la suite de difficultés avec les confréries locales.

Son prédécesseur à Cervione, le père Christophe Donczick, a dû repartir dans sa Pologne natale pour incompatibilité d’humeur avec ses paroissiens. Deux ans auparavant il avait dû quitter Sartene « pour des raisons personnelles » …

L’abbé Richard dès son arrivée dans l’ensemble inter-paroissial, a eu droit à son article de presse, sa grève, son boycott, sa polémique sur les réseaux sociaux…Mais ce prêtre polonais, incardiné au diocèse d’Ajaccio ne semble pas s’en émouvoir, au moins extérieurement.

Comme le ferait un percheron, il trace son sillon et prend les mesures adaptées à la situation de ses 20 paroisses éparpillées dans la Castagniccia. Certaines n’ont plus d’existence réelle, mais il cherche « à tout prix » à restaurer églises et chapelles, au moins au niveau des objets liturgiques.

Il pense aussi arriver à recréer un lien par la communication en utilisant à fond internet avec un site dédié à l’ensemble inter-paroissial où l’on peut trouver toutes les informations et aussi un projet ambitieux de caméras vidéo au couvent d’Alesani, qui permettrait aux personnes qui ne peuvent se déplacer, de suivre la messe et les célébrations religieuses qui s’y déroulent sur leur téléviseur.

Mais la relation internet et vidéo ne peut suffire. Partant du constat que souvent les messes ne réunissent que quelques paroissiens, parfois aucun, et compte tenu de ce qu’il lui est difficile d’être partout à la fois, en particulier pour la célébration des fêtes les plus importantes où sa présence est parfois exigée, le père Richard a créé un « Grand Rassemblement Dominical »  qui chaque mois en des lieux distincts va réunir l’ensemble des paroissiens des 3 unités inter-paroissiales, Alesani, Cervioni, Moriani, dont Pietra fait partie, pour la messe suivie d’un pique- nique. Plus festif, plus convivial et certainement aussi plus religieux.

 

Ce dimanche 20 mai, de Pentecôte, ce fut au couvent d’Alesani.

Certes, tout ceci bouscule les habitudes, mais on doit tenir compte de l’évolution de nos sociétés, et les villages comme Pietra, où résidaient plusieurs prêtres à demeure comme en témoigne son magnifique presbytère, relèvent d’un temps révolu.

L’abbé Richard archiprêtre de l’église cathédrale de Cervioni et curé de Pietra di Verde, a-t-il la solution ? Concilier tradition et modernité, éternel débat, l’église de Corse est aujourd’hui confrontée à ce challenge. Il y va de son existence même.

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L’évêché de Corse, avec à sa tête Monseigneur Olivier de Germay, un ancien officier de parachutistes, qui n’en est pas moins un fin diplomate, essaie de gérer au mieux une situation délicate qui met deux mondes en présence, tant culturel que sociétal et qui n’ont pas toujours la même appréhension du religieux.

Difficile de dire ce qu’il adviendra, mais l’évolution de ces dernières décennies ne rend guère optimiste.GP  

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